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16 mai 2008

Varanasi (alias Benares), Kolkata (alias Calcutta)

Le bus de Lucknow prendra beaucoup plus de temps que prevu pour rallier Varanasi. Nous y arrivons de nuit, ce qui n'est pas le meilleur moment pour decouvrir cette ville ou regne chaos et confusion. Nous devons chercher un hotel dans la vieille ville qui borde le Gange. Nous decouvrons alors un labyrinthe de ruelles etroites qu'une panne d'electricite a plonge dans le noir. Nous comprenons alors, mais helas trop tardivement, pourquoi le Lonely Planet conseille fortement de ne pas sortir la nuit. Notre chauffeur de rickshaw tente de nous guider a pied dans ce dedale mais semble lui-meme perdu. Enfin nous trouvons notre hotel: il etait temps car Pierre-Louis avait la main crispe sur notre couteau suisse et Melanie serrait les poings, tous deux pret a repondre a une eventuelle mauvaise rencontre!
     Par chance, le Shanti Guest House n'est pas complet. La chambre dont nous disposons a pour seul avantage une fenetre avec vue sur le Gange. Pour le reste, l'hotel, pourtant recommande par Lonely Planet, est sale, delabre, le personnel peu aimable et les prix surestimes. Notre chambre surplombe le restaurant en terrasse, couvert par un toit de tole, lequel tient lieu de residence a une colonie de singes. Nous en effrayons quelques uns des le premier soir en tirant les rideaux: nous nous retrouvons en effet face a face avec deux singes installes juste de l'autre cote de la fenetre, exactement a la hauteur de notre lit, perches la sur la climatisation!
     L'hotel est plutot un repere a touristes en quete de "spiritualite", c'est-a-dire qui fument de l'herbe a longueur de journee, affales sur une table du restaurant, improvisant un simulacre de communaute du bedot, melangeant plusieurs nationalites. Sympa mais pas trop notre trip. Nous y resterons pourtant plusieurs jours, les autres hotels etant soit pires, soit plus chers, soit complets. Nous finirons au Ganga Fuji Home, bien meilleur, meme si, profitant d'une recommandation Lonely Planet, ses prix ont double par rapport a ceux indiques dans le guide pourtant vieux de seulement six mois ?!?! Bienvenue dans la ville de la thune ou le touriste est considere comme une pompe a fric!

     Le premier jour, nous avons beaucoup de mal a nous reperer dans les ruelles etroites qui se croisent et s'entrecroisent dans la vieille ville. Trouver son chemin n'est pas une mince affaire dans ce dedale ou l'on peut tout juste croiser une personne a certains endroits, et ou les vaches sacrees deambulent pourtant en nombre! Ces dernieres se nourrissent des ordures jetes par les fenetres des habitations. Inutile de vous dire le bonheur de deboucher alors sur les rives du Gange. Celles-ci sont organisees en Ghat, ou portes, chacune ayant sa particularite. Le Gange etant le fleuve sacre de l'hindouisme, et des Indiens en general, tout le monde veut y avoir sa place. Les plus riches, les Maharadjas, y ont fait construire des palais sur certains Ghats. D'autres sont reserves aux cremations, et il n'y a pas meilleurs endroit en Inde pour cette ceremonie. Le Manikarnika Ghat est le principal lieu pour ce rite. Notre premier hotel se situant juste au-dessus, nous y passerons souvent, apercevant ces ceremonies plus qu'y assistant: nous choisissons pour notre part de respecter l'intimite des familles. Nous croisons regulierement, a proximite de ces Ghats, dans les ruelles de la ville, des corteges precedes d'un brancard ou le defunt est juste couvert d'un tissu colore, decore de fleurs et pieces de soie. La scene peut paraitre morbide et derangeante, elle est en fait naturelle dans cette ville sainte. Peut-etre y etions nous prepare, mais jamais nous ne nous sentirons mal a l'aise au cours de telles rencontres. Pour mieux comprendre ces rituels, nous discutons avec Sonu, fils d'une famille qui s'occupe depuis des generations du feu de la cremation dans l'un des ghats de Varanasi. Ce feu qui brule, a l'abri dans un petit temple de brique, ne s'est parait-il jamais eteind depuis des centaines d'annes, toujours alimente par ses gardiens. C'est la que les familles viennet allumer les brindilles qui mettront le feu au bucher.
     Il nous apprend que l'endroit de la cremation est choisie en fonction de la classe sociale. Pour les castes les plus elevees, elle a lieu sur un promontoire. Pour les classes moyennes, c'est juste au bord du Gange, directement sur la rive; pour les pauvres, c'est egalement sur la rive mais eloigne du fleuve. La combustion dure trois heures. Un membre de la famille, le plus proche, doit assister a la ceremonie dans son integralite et juste a cote du bucher. Cette personne doit etre vetue de drap blanc et le crane tondu a l'exception d'une meche. Les femmes ne peuvent assister a ces funerailles car, selon Sonu, il y a deja eu des cas ou celles-ci se jettaient dans le feu, de desespoir. Une autre explication a cette absence feminine est que les larmes des femmes retiennent l'ame du defunt, l'empechant ainsi d'atteindre le Nirvana. Ne serait-ce pas en fait un moyen dans cette societe hautement machiste, de se reserver l'exclusivite de ce rite sacre? Les autres membres masculins de la famille se tiennent davantage a l'ecart. De gros rondins de bois sont poses sur le corps pour eviter qu'avec la chaleur pieds et bras ne se levent. Certains touristes sont ainsi decus de ne pas voir clairement le corps dans l'amas de bois (comme c'est gratuit ils ne ralent pas!). Ce qui n'empechera pas une Japonaise de filmer allegrement une cremation alors qu'il est specifie partout que photo ou film sont interdits. Imaginez un Japonais filmer au camescope l'enterrement d'un de vos proches!!! Bref, reprenons nos explications. Ensuite un morceau pas entierement calcine, de poitrine pour les hommes, de hanches pour les femmes, est recupere et jete dans le Gange. Les poissons, symbole de purete, s'en nourrissent ce qui facilite la reincarnation. Certains sont dispenses de cremation, car consideres comme deja purs. C'est le cas par exemple des femmes enceintes, des lepreux, des moines ou encore des enfants. Ils sont attaches a une pierre et deposes en barque directement dans le Gange. Ce qui peut parfois donner lieu a des spectacles peu appetissant de corps de bebes remontant a la surface. Un Francais que nous avons croise nous a raconte avoir vu un chien en manger les restes sur les rives... Nous serons heureusement epargnes par ce genre de vision.

     Varanasi nous aura offert en revanche de vrais spectacles tout au long de notre sejour.
     D'abord celui qui a lieu tous les soirs au coucher du soleil, pour honorer le Gange, le plus important se tenant au Dashaswamedh Ghat. Une foule d'Indiens et de touristes se rassemblent afin d'assister a cette ceremonie cultuelle incroyable. Alignes face au Gange, cinq maitres de ceremonies font des offrandes au cours d'un rituel choregraphie et au son de musiques religieuses envoutantes. Ils offrent ainsi au fleuve sacre cereales, petales de fleurs, encens, eau et feu, ce dernier transmis au moyen de receptacles d'argent sublimes (dont un en forme de Cobra). C'est aussi un moment privilegie pour tout le monde pour offrir au fleuve une coupelle contenant petales de fleurs et bougie afin d'ameliorer son karma. Le spectacle est envoutant et proprement magique.
     Nous assistons egalement a trois concerts. Le premier dans une petite ecole de musique (en fait une minuscule piece carree surplombant le Manikarnika Ghat). Nous sommes les seuls a profiter de ce recital, qui devient du coup un concert prive. Le premier morceau est une improvisation Tabla-Sithar de haute voltige, vraiment impressionnant. Le second, Tabla-Harmonium, n'est pas mal non plus.
     Le second concert a lieu a l'International Music Center. Sous ce nom pompeux se cache une petite salle au rez-de-chaussee d'une habitation traditionnelle charmante qui vous plonge instentanement dans un autre monde. Nous sommes une petite trentaine a assister au concert, et la salle est comble. La premiere partie est une nouvelle fois une rencontre de virtuoses. Le joueur de Santoor, notamment, nous ravit. Le son produit par cet instrument formidable est magique. Il s'agit d'une tablette rectangulaire posee au sol ou sur les genoux, sur laquelle sont tendues une vingtaine de cordes, que percutent, ou plus exactement qu'effleurent des baguettes tenues par le musicien a l'aide du pouce et de l'index, a la maniere de ciseaux. Leur forme fera dire a Melanie qu'on semblerait voir rebondir des gondoles venitiennes sur une lagune de cordes. La musique ainsi produite demarre de maniere lancinante, invitant a la meditation, puis s'emballe lors de certains mouvements en une harmonie de notes celestes. L'instrument le plus impressionnant que nous ayons entendu. La seconde partie est une danse Kathak executee par deux petits princes (pas des vrais, c'est une image, une expression...) vraiment talentueux!
     Le troisieme concert se deroule dans un restaurant, le Ganga Fuji Restaurant, et est une nouvelle fois un duo Tabla-Sithar. C'est encore un bon concert que nous ecouterons jusqu'au bout.

     Partout en Inde nous avons savoure l'art culinaire exceptionnel de ce pays. Varanasi ne fait pas exception a la regle. Le Lotus Lounge ou le Ganga Fuji Restaurant auront ete nos restaurants preferes. Nous y aurons devore des "Momos" tibetains succulents, du Sathay indonesien fabuleux ou des Tandooris exquis au premier, et un Ratai savoureux ou du Veg Kashmiri subtil au second. Non loin du Ganga Fuji, nous avons profite des viennoiseries d'une boulangerie allemande avec ses croissants au chocolat, ces orange shakes ou ces Lassis divins (sorte de yaourts liquides).

     Enfin, Varanasi aura ete le lieu de rencontres interessantes. A la volee nous pouvons citer: un Japonais curieux autant que volubile, un marchand de boissons comique s'etant auto proclame mari indien de Melanie; des enfants espiegles a l'une des ceremonies nocturnes; un petit commercant precieux par ses conseils et sa gentillesse prenomme Bazam (notre vendeur attitre pendant notre sejour); Sonu, qui nous aura tout appris des cremations ou encore Kailash, le proprietaire du restaurant Ganga Fuji, passionne par sa cuisine; sans oublier a la gare le jour de notre depart un Francais sympathique en vacances roots, un Japonais en tour du monde encore sous le choc de sa recente arrivee en Inde, et enfin une petite souris que l'on surnommera Shivette, qui jouait a Indiana Jones autour des fauteuils de la salle d'attente!

    Nous aurons aime par dessus tout les balades matinales au lever du jour sur les rives ou en barque sur le Gange, pour les couleurs, la fraicheur, la spiritualite des bains sacres du matin, plus calmes qu'a d'autres moments de la journee. Certainement le meilleur moyen d'apprecier cette ville par ailleurs brouillonne, siege de la spiritualite indienne (donc bondee de monde) mais aussi de sa cupidite ou de l'agressivite commerciale resultant d'une presence touristique importante (indienne ou etrangere), ou finalement chacun est vu comme un potentiel jackpot et moins respecte qu'ailleurs (la cote d'Azur quoi...).

   Nous quittons Varanasi le 31 au soir et prenons une derniere fois le train de nuit, direction Calcutta. La-bas c'est Kanishka, un musicien, qui nous accueille chez ses parents. Il va s'averer etre un hote formidable, garcon tres fin, doue d'une grande intelligence et d'une capacite d'analyse peu commune. Il a trente ans, et est musicien professionnel, qui apres avoir connu plusieurs groupes au succes non negligeable (dont le dernier aux chansons en langue locale, le Bengali), travaille desormais a la composition de musique pour des publicites ou des documentaires televisuels. Il nous fera rencontrer une amie thailandaise le premier jour, et une Taiwanaise le dernier. Nous aurons beaucoup discute avec lui, de musique et notamment de la difficulte de gagner sa vie pour un musicien professionnel; de cinema aussi qui est en Inde un milieu aussi verole qu'a Paris ou Hollywood. Le cinema indien ne se resume pas a Bollywood, meme si en sort l'ecrasante majorite des films. Calcutta est le centre d'un cinema independant, experimental ou encore documentaire, forcement moins apprecier du grand public qui raffole ici de comedies musicales. A ce sujet, nous aurons vu a Calcutta un film typiquement Bollywood, "Jodhaa Akbar", grande fresque historique, vraiment pas mal. Larmoyante a souhait, mais pas mal!

   Notre derniere soiree en Inde est a nouveau un concert. Cette fois du rock occidental, tendance annees 70-80, qui est au programme. Nous sommes dans un bar branche de la ville et ce sont des potes de Kanishka qui jouent. Le niveau est tres bon. Ils nous alignent tout au long de la soiree les tubes de Pink Floyd, des Doors, des Beatles ou d'Elvis Presley!

   Le 4 Avril nous quittons Calcutta sous un enorme orage, pour relier Bangkok.

   L'Inde aura ete un pays difficile a apprehender. Ce pays vous maintien une tension, une pression qui vous pose une chappe de plomb sur les epaules. L'image vehiculee par les magazines, les photos, les livres ou le cinema est assez loin de la realite. Nous n'avons bien sur que visite pendant cinq semaines le Nord du pays, notre vision ne peut qu'en etre forcement incomplete. Toutefois, nous n'avons pas trouve le pays que l'on nous avait decrit, plus sorti d'un imaginaire romantique colonialiste britannique que d'une description juste et actuelle d'un pays, encore une fois, au milliard deux cent mille habitants. On nous avait d'un autre cote decrit une Inde a la pauvrete, aux odeurs et a la crasse rendant le sejour insoutenable. Nous n'avons pas trouve ce pays-la non plus. Peut-etre l'Inde est-elle au carrefour entre ces deux visions, et que finalement chacun y prend ce qu'il veut.
    Nous aurons malgre tout aime l'Inde pour les grands moments que nous y avons vecu et les belles rencontres que nous y avons faites. Il nous aura fallut quand meme quelques semaines pour commencer a digerer les emotions ambivalentes que le pays ne manque pas de vous infliger. "Incredible India" comme ils disent, pas tout a fait pour les memes raisons...

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Commentaires
P
Merci pour tous vos message de bon anniversaire! On a fait ca tranquillou dans la ville de Sadec au Vietnam, la ville ou a grandit Marguerite Duras et ou elle a fricotte avec son chinois! Petites bieres dans un bar du coin. Tous les gens etaient adorables et nous disaient bonjour! Bon on vous laisse on doit taper le texte de Bangkok! Merci encore pour vos commentaires, mails et textos! Gros bisous a tous!<br /> Pierre Louis et Melanie!
L
Presque pas en retard... bon annif pirlouis.<br /> On pense bien à vous sous le soleil breton (hou le menteur...)<br /> Carpe diem, gaffe à vous et bisous iodés !<br /> Laurent et Thomas du Créou.
T
Loins par la distance mais pas par le coeur! Magnifique aventure que la vôtre que vous nous faîtes partager, continuez à nous faire rêver! Un très bon anniversaire à "Pir Louis" et de groches biches à ma nièce!It's a long long way from home!<br /> Tonton François du 9.4 !
T
MELANIE ne pas oublier de féter dignement l'anniversaire de PIERRE LOUIS !<br /> C'est demain, on est obligé de tout dire je croyais qu'on perdait la tête à un certain age !<br /> Bon t'aider à fêter dignement j'envoie des subsides à ta mère qui mettra sur ton compte<br /> Tous les soirs je regarde le blog pour savoir où vous êtes et s'il y a des photos<br /> Parfois j'ai vu vos messages avant que ta mère nous annonce le message sur le blog<br /> J'ai vu des photos magnifiques, pour le moment j'ai une petite prérence pour l'Amérique du Sud<br /> Nous vous faisons de gros bisous à tous les deux<br /> Dany et Jacques
M
Non, mais vous avez fini de me donner la chair de poule avec vos histoires? J'en ai encore les yeux tout embués!
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